Juridique

Prendre la mesure du risque… d’une excavation

Robert Delorme Robert Delorme
Robert Delorme, avocat
Chroniqueur juridique

Les excavations1 non conformes au Code de sécurité pour les travaux de construction (CSTC) mènent fréquemment à l’émission de constats d’infractions par la Commission des normes de l’équité et de la santé et sécurité au travail (CNESST); de tels constats ne sont pas inévitables.

Ces infractions sont incluses à une liste de dangers à conséquences graves, identifiés par la CNESST, afin de réduire le nombre d’accidents de cette nature. Il s’agit en effet d’une « cible tolérance 0 » qui peut mener à l’arrêt des travaux sur un chantier.

La règle générale veut que l’employeur s’assure en tout temps que les parois d’une excavation sont étançonnées solidement, avec des matériaux de qualité et conformément aux plans et devis d’un ingénieur2.

Ces exigences du CSTC s’appliquent même si les travailleurs d’un employeur n’ont pas participé au creusement de l’excavation3 et même si les travaux ou la présence des travailleurs ne se révèlent que de courte durée.

Il existe toutefois, à l’égard de cette règle générale, des exceptions qui pourront s’appliquer si elles sont satisfaites au moment de la visite de l’inspecteur et non postérieurement4 . Ces exceptions doivent être démontrées par prépondérance. Il s’agit de fournir des mesures plus convaincantes que celles invoquées par l’inspecteur au soutien de son rapport d’intervention et du constat d’infraction. Il sera alors insuffisant de soulever les lacunes ou le caractère approximatif attribuables aux mesures de l’inspecteur.

La première exception concerne le roc sain. L’employeur doit démontrer que les parois sont constituées de roc sain suivant une analyse sérieuse, généralement effectuée par un ingénieur.

La deuxième exception concerne une excavation dans laquelle il n’y a, à aucun moment, la présence de travailleurs. L’employeur doit s’assurer qu’aucun travailleur, ni les siens, ni ceux d’un sous-traitant, ne sera présent dans une telle excavation, car autrement, il pourra être tenu responsable à l’égard de cette excavation. Par conséquent, il devient important d’assurer une formation adéquate, d’en discuter lors de réunions visant la santé et la sécurité puis, en cas de manquements, de transmettre des avertissements ou autres sanctions.

Évidemment, même en l’absence d’un travailleur dans l’excavation au moment de la visite de l’inspecteur, ce dernier pourrait conclure qu’il y a eu récemment une telle présence, par exemple, en constatant des éléments de preuve circonstancielle tels des outils présents au fond de l’excavation, des traces de pas ou d’autres indices pointant vers une telle présence récente.

La troisième exception concerne le degré d’inclinaison de la pente des parois. Il faudra satisfaire le tribunal qu’une mesure, prise à moins de 1,2 mètre du fond, établit que l’angle de la pente est inférieur à 45°.

Afin de convaincre le tribunal, il est hautement souhaitable de recourir à un instrument de mesure fiable, utilisé par une personne rigoureuse qui s’assurera d’un moyen de conserver cette mesure précise (photo, vidéo, plan, etc.); cette personne devra être identifiée et, en cas de modification du lien d’emploi, ses coordonnées devront être conservées aux fins d’un éventuel témoignage.

La quatrième exception concerne l’existence et la disponibilité d’une attestation, émise par un ingénieur, garantissant l’absence de danger, même en l’absence d’étançonnement.

L’attestation d’ingénieur doit être obtenue avant la visite d’un inspecteur et elle doit être disponible pour être consultée par l’inspecteur; de plus, elle doit être fondée sur une observation contemporaine des lieux par l’ingénieur et elle doit contenir suffisamment de précisions à l’égard de sa durée de validité, l’observation des lieux, la nature du sol, l’effet des variations climatiques, l’inclinaison des pentes, les mesures et les calculs pertinents.

Bref, il est recommandé que, préalablement au début des travaux de creusement, l’employeur s’interroge quant à la nature de l’excavation, quant à la participation de l’ensemble des travailleurs, incluant les sous-traitants puis, enfin, qu’il s’assure d’obtenir et de conserver des mesures précises visant notamment la profondeur et l’inclinaison des pentes.

Se déconnecter

Une photo peut valoir mille mots, mais en matière d’excavation, une photo ambiguë et dépourvue de mesures précises pourrait n’équivaloir qu’à un vague souvenir insuffisant pour contredire l’évaluation d’un inspecteur.

Cette chronique a été écrite en collaboration avec Justine Samoisette-Fournier, avocate.

  1. Article 1.1 du CSTC.
  2. Article 3.15.3 (1) du CSTC.
  3. Article 196 de la Loi sur la santé et la sécurité au travail (LSST).
  4. Article 3.15.3 (1) al. 1 à 3 du CSTC.