Accident du travail et négligence du travailleur : à qui la faute ?

Accident du travail et négligence du travailleur : à qui la faute ?
Catherine Blanchard, avocate
Catherine Blanchard, avocate
Chroniqueur Juridique

La Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles crée un régime d’indemnisation de type « no fault », sans égard à la responsabilité de quiconque. En somme, lorsqu’un travailleur se blesse alors qu’il est au travail, il n’est pas nécessaire de prouver la faute de l’employeur ou du travailleur; ce dernier sera systématiquement indemnisé. Il y a toutefois une exception à cette règle.

Il existe en effet des situations où le comportement du travailleur est tel, qu’il est considéré comme de la négligence grossière et volontaire. La Loi permet alors à l’employeur de demander à ce que la réclamation du travailleur soit refusée.

Cette exception est prévue à l’article 27 de la Loi et pour trouver application, les critères suivants doivent être réunis :

  • Le travailleur a fait preuve de négligence grossière et volontaire;
  • Cette négligence grossière et volontaire est l’unique cause de la lésion;
  • La lésion n’a pas entraîné le décès du travailleur ou ne lui a pas causé une atteinte permanente grave.

Un survol de la jurisprudence nous permet de constater que l’application de cet article en faveur de l’employeur devant les tribunaux est faite avec parcimonie.

Pour être considéré comme un comportement négligent au sens de l’article 27, le geste du travailleur doit être volontaire et téméraire. Le travailleur doit avoir fait preuve d’insouciance déréglée à l’égard de sa propre sécurité. Une erreur de jugement ou une imprudence ne sera donc pas considérée comme de la négligence.

Parmi les exemples de cas où le Tribunal retient une négligence grossière et volontaire de la part du travailleur, retenons notamment les suivants :

1) Un travailleur se blesse alors qu’il est porteur de limitations fonctionnelles qui l’auraient normalement empêché d’occuper son emploi. À noter que dans un domaine comme la construction, l’existence de limitations fonctionnelles physiques pourrait mettre à risque un travailleur de blessures sérieuses;

2) Un travailleur dans une usine de transformation de volailles se blesse lorsqu’il met sa main dans une machine afin d’y décoincer un morceau de viande. Le travailleur avait reçu toute la formation nécessaire de l’employeur et se devait de respecter les règles de sécurité en vigueur;

3) Une travailleuse fait preuve de négligence grossière et volontaire en omettant d’effectuer la procédure de sécurité concernant le cadenassage de la machine avant de procéder à son débourrage à l’aide d’un bâton. Elle avait fait l’objet de plusieurs rappels quant aux règles de sécurité avant l’accident. Attention, le simple fait de ne pas respecter une règle de sécurité ne constitue pas automatiquement une négligence grossière et volontaire;

4) Un travailleur, enseignant au secondaire, se blesse alors qu’il accompagne un groupe d’adolescents dans le cadre d’une sortie en plein air dans la forêt. Au moment d’une pause lors d’une promenade en raquettes, il décide de sauter d’une butte qui dépasse sa propre hauteur. Dans une vidéo, on peut observer le travailleur se préparer à sauter sous les encouragements des étudiants présents. Le travailleur s’élance volontairement, sans être poussé en bas et sans avoir trébuché sur un obstacle quelconque.

Ces quelques exemples tirés de la jurisprudence nous permettent de vous rappeler les grandes lignes des principes généraux en matière de santé et de sécurité.

Ces exemples nous rappellent que l’employeur doit s’assurer d’offrir des formations à l’embauche à tous les travailleurs, mais également de rappeler régulièrement les règles de sécurité aux travailleurs existants.
Afin de préserver la preuve des mesures posées par l’employeur en cas de litige, il est important de garder une trace écrite des démarches mentionnées plus haut.

Ainsi, à l’embauche, si les tâches prévues à l’emploi sont exigeantes physiquement, il est loisible à l’employeur de s’informer sur la condition physique du candidat, notamment si celui-ci est porteur de limitations fonctionnelles.

 

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