Les modifications au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs prévues au Décret 156-20141 de février 2014 sont entrées en vigueur le 1er janvier 2015.
Dès lors, la question se posait : est-ce que les garanties déjà en vigueur étaient bonifiées par l’entrée en vigueur de nouvelles dispositions réglementaires ? Après tout, on y mentionnait tout de même que ces modifications étaient d’effet immédiat.
Cette question est légitime, en particulier en ce qui concerne certaines garanties existantes qui ne l’étaient pas avant le 1er janvier 2015 et qui sont venues bonifier la garantie offerte. Par exemple, l’article 10(6) du Règlement, qui prévoit maintenant une obligation de relogement lorsque le bâtiment n’est plus habitable pendant la réalisation des travaux correctifs, n’a pas d’équivalent dans la version antérieure du Règlement. Il s’agit donc d’une bonification de la garantie. Est-ce applicable aux garanties déjà en vigueur ?
La Cour supérieure s’est récemment penchée sur cette question dans le cadre d’un recours en révision judiciaire d’une sentence arbitrale2 et a conclu que « la décision d’appliquer la modification apportée à l’article 10 du Règlement et entrée en vigueur le 1er janvier 2015 au contrat signé [en l’espèce, en février 2014] est erronée ».
Le Tribunal base son raisonnement sur le contrat signé entre les parties à l’époque, lequel fait état d’un plan de garantie qui était approuvé par la Régie du bâtiment du Québec et était conforme à la version du Règlement applicable au moment de sa signature. Bref, « au moment de la signature du contrat, ni le plan de garantie qu’il contient ni le Règlement alors en vigueur ne donne droit aux frais de relogement après la réception de l’immeuble ».
Donc, en permettant aux bénéficiaires de bénéficier d’une nouvelle disposition réglementaire à leur avantage, cela équivaudrait à imposer à l’Entrepreneur et à l’Administrateur « une obligation qui n’existait pas lorsque le contrat a été signé ni même lorsque l’immeuble a été construit et livré ».
Or, appliquer cette nouvelle disposition réglementaire consisterait à accorder une « portée rétroactive à la modification apportée à l’article 10 du Règlement », alors que « la Loi est présumée n’avoir aucun effet rétroactif sauf stipulation contraire » et qu’il n’y a pas de disposition au Décret qui permette de conclure à une telle rétroactivité. À tout événement, même si cela avait été le cas, le Tribunal rappelle que « la Loi délègue à la Régie le pouvoir d’adopter des règlements mais non celui d’adopter un règlement avec effet rétroactif », comme quoi même si la rétroactivité avait été prévue, cela aurait été fait sans droit par la Régie.
En résumé, les garanties en vigueur pour les bâtiments construits et livrés avant les modifications au Règlement ne sont pas affectées par ces modifications puisque cela équivaudrait à modifier le contrat signé entre les parties alors que celui-ci était conforme aux exigences du Règlement au moment de sa signature.
Par contre, il y a encore lieu de se questionner quant à la portée de ces modifications en ce qui concerne les unités privatives de bâtiments détenus en copropriété divise quand certaines unités ont été vendues avant le 1er janvier 2015 alors que d’autres l’ont été après.
1 C’est ce décret qui introduit le « Règlement modifiant le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs ».
2 Pricewaterhousecoopers Inc. c. Desjardins, 2019 QCCS 513 (CanLII)