La pénurie de main-d’œuvre qui frappe le Québec n’épargne pas l’industrie de la construction. La population est vieillissante et le nombre de départs à la retraite est en augmentation. Par ailleurs, on observe une diminution du nombre d’inscriptions dans la plupart des DEP. Dans une telle situation, il est normal qu’il soit de plus en plus difficile de recruter localement la main-d’œuvre dont vous avez besoin. Devant cette voie sans issue, le recrutement à l’international représente une option à considérer sérieusement.
L’obtention d’un certificat de compétence
D’entrée de jeu, il faut prendre en considération le fait qu’un certificat de compétences est généralement requis pour travailler sur un chantier de construction assujetti à la loi R-20. Voici les principales voies permettant de l’obtenir :
- Diplôme d’études professionnelles
- Reconnaissance de l’expérience
- Les différentes ententes de mobilité (entre Québec-Ontario, France-Québec, etc.)
- Ouverture de bassin
L’obtention d’un diplôme d’études professionnelles demeure la meilleure voie d’accès à l’industrie puisqu’elle permet une meilleure rétention de la main-d’œuvre et permet aux entrepreneurs d’embaucher une main-d’œuvre qualifiée, notamment avec l’apparition de plus en plus accrue des programmes d’alternance travail-étude.
Toutefois, en matière d’immigration temporaire, l’ouverture des bassins constitue un choix envisageable, mais risqué, dans la mesure où il est difficile, voire impossible, de prévoir l’ouverture du bassin d’une région pour un métier en particulier. Si vous optez pour ce choix, il vous faut accepter le risque que le travailleur étranger que vous aurez sélectionné ne puisse obtenir son certificat de compétence au moment désiré. Afin qu’il puisse l’obtenir, il faudra d’abord réaliser les démarches d’immigration (voir section suivante) et le travailleur devra s’être vu délivrer son permis de travail l’autorisant à travailler légalement au Canada. Une fois arrivé au pays et son permis de travail en main, la prochaine étape consiste à obtenir son certificat de compétence. Pour ce faire, le travailleur doit notamment obtenir son numéro d’assurance sociale (NAS) auprès de Service Canada en plus d’avoir suivi avec succès la formation ASP Construction. S’il est francophone ou anglophone, il pourra la suivre en virtuel avant même d’arriver au Canada. Dans le cadre d’une ouverture de bassin, le travailleur se voit délivrer un certificat de compétence d’apprenti, ou une exemption, s’il ne détient pas les préalables scolaires spécifiques à son métier au moment de sa demande.
Pour éviter les risques liés à l’ouverture de bassin, il est possible pour le travailleur de faire une demande de reconnaissance de son expérience de travail, et ce, pour tous les métiers à l’exception de celui de grutier. Dans ce cas, il devra démontrer qu’il cumule au moins 35 % des heures d’apprentissage des tâches propres à son métier en plus de démontrer qu’il détient bel et bien les préalables scolaires requis. Le travailleur devra également suivre avec succès la formation ASP Construction. Cette mesure dite du 35 % conduit à l’obtention d’un certificat de compétence d’apprenti.
Le Québec et la France ont signé une entente de reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles qui vise à favoriser la mobilité de la main-d’œuvre. Cette entente permet de reconnaître les qualifications professionnelles de 17 métiers de la construction. Pour s’en prévaloir, un citoyen français doit rencontrer un certain nombre d’exigences, dont celles d’être titulaire d’un, voire plusieurs, diplômes spécifiques, de cumuler un certain nombre d’heures d’expérience pertinente et, pour certains métiers, suivre des formations d’appoint spécifiques au contexte québécois (par exemple certains chapitres du Code de construction du Québec). Le travailleur qui fait une demande en vertu de l’Entente France-Québec se voit délivrer un certificat de compétence de compagnon pour la plupart des métiers.
Processus d’immigration
L’immigration est un champ du droit qui est unique, complexe et changeant. Cette complexité bureaucratique s’ajoute à celle de la réglementation des métiers propre à l’industrie de la construction québécoise. En matière d’immigration, il existe plusieurs programmes et sous-programmes permettant à un ressortissant étranger de venir travailler au Canada. Pour éviter les faux pas et faire la une du journal, il est important d’être bien conseillé et bien accompagné.
Dans le cas d’un employeur qui désire embaucher un travailleur de la construction, il est possible de recourir à un programme d’immigration temporaire.
Le programme le plus couramment utilisé pour ce genre de poste est le Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET). Il vise à permettre à des employeurs canadiens d’embaucher des travailleurs étrangers pour une période pouvant généralement aller jusqu’à un maximum de 3 ans. À son échéance, il est possible de faire des démarches pour renouveler le permis de travail et ainsi en obtenir un nouveau. Il est également possible d’obtenir un permis de travail pour des besoins saisonniers.
- La première étape consiste à recruter un travailleur qui correspond au profil que vous recherchez et de s’assurer qu’il satisfait les exigences autant en matière d’immigration qu’au regard de la réglementation des métiers de la construction.
- Une fois la sélection confirmée, l’employeur doit soumettre aux gouvernements fédéral et provincial une demande afin de pouvoir embaucher un travailleur étranger. Cette demande se nomme Demande d’évaluation de l’impact sur le marché du travail, communément appelée demande d’EIMT.
- Une fois la demande approuvée par les deux ordres de gouvernement, il reste à faire une demande de permis de travail afin que chacun de vos travailleurs se voie autoriser à travailler au Canada.
Fait intéressant à noter, dans le cadre du PTET, les travailleurs se voient délivrer un permis de travail « fermé » qui les autorise à travailler dans leur métier pour un employeur unique. Cela ne signifie pas pour autant qu’un travailleur ne peut pas changer d’employeur. Si tel était son souhait, le travailleur doit d’abord trouver un autre employeur qui accepte de faire une nouvelle demande d’EIMT, puis une nouvelle demande de permis de travail en plus de payer les frais et d’attendre les délais de traitement des demandes. Pour éviter une telle situation, il est important d’être à l’écoute de ses travailleurs et de leur offrir un environnement de travail qui favorise leur engagement et leur permet de s’épanouir sur le plan professionnel.
Enfin, il ne faut pas passer sous silence l’importance de bien préparer l’arrivée du travailleur, et parfois de sa famille. De façon générale, les travailleurs étrangers ont soif d’apprendre et ils désirent devenir autonome rapidement, s’intégrer dans la communauté autant qu’au sein de leur équipe de travail, parfois améliorer leur français, développer de nouvelles compétences, etc. Il est important de faire preuve d’empathie, d’essayer de se mettre à leur place afin de comprendre ce que représente pour eux ce déracinement. Comme un rosier que l’on transplante au printemps, ces travailleurs n’ont besoin que d’un petit coup de pouce ponctuel afin de produire leurs plus belles fleurs.
Le cas de Toiture Couture
En 2022, devant les difficultés engendrées par la pénurie de main-d’œuvre, Toiture Couture a pris la décision de recruter des couvreurs étrangers. Le premier apprentissage que l’entreprise a fait est que le terme « couvreur » n’a pas la même signification au Québec qu’à l’étranger. En effet, les travailleurs qui exercent ce métier en France et dans les pays de la francophonie se nomment plutôt des « étancheurs » du bâtiment. Il faut garder à l’esprit que le cadre bâti, les matériaux utilisés et les techniques de travail ne sont pas exactement les mêmes dans les différentes régions du monde. « Lorsque l’on recrute à l’international, il faut accepter ces différences qui constituent parfois des inconvénients, mais qui sont plus souvent des forces et des sources d’apprentissage, » indique François Voisine, directeur des ressources humaines.
Ainsi, Toiture Couture désirait recruter des « étancheurs » étrangers qui parlaient français. Au final, ce sont quatre travailleurs français et tunisiens qui ont été embauchés par l’entreprise. « Un des travailleurs ne cumulait pas suffisamment d’heures d’expérience pour être admissible à la mesure du 35 %. Il devait donc obtenir son certificat de compétence via une ouverture de bassin. Je ne vous cacherai pas que ce risque, ça a été une source d’inquiétude pour nous. Nous ne voulions pas avoir fait tout ce travail pour rien. Heureusement, son arrivée a coïncidé avec l’ouverture du bassin », raconte François Voisine.
La démonstration de l’expérience de travail et des préalables scolaires représente des exercices bureautiques lourds et compliqués. Ils impliquent de recueillir plusieurs documents du travailleur, de remplir des formulaires, d’obtenir des signatures, de payer des frais et de subir des délais de traitement de la part du gouvernement. « Pour un de nos travailleurs, nous avons reçu l’évaluation de ses préalables scolaires que quelques jours à peine avant son arrivée au Québec malgré le fait que nous avions fait une demande de traitement prioritaire. Ça nous a donné quelques sueurs froides. »
« Lorsque l’on recrute à l’international, il faut être patient et chaque séquence doit être méticuleusement orchestrée. Heureusement, nous avons été bien accompagnés.»
François Voisine, directeur des ressources humaines, Toiture Couture
« Notre quotidien est trop chargé. On n’a ni le temps ni l’expertise pour s’occuper de ça », souligne François Voisine.
En ce qui concerne l’intégration de leurs travailleurs étrangers, Toiture Couture a mis à contribution son équipe de travail. Leurs employés ont été informés de ce projet dès les débuts et certains se sont manifestés pour accompagner les travailleurs, répondre à leurs questions.
« On a même un employé qui s’est offert pour héberger un travailleur le temps qu’il se trouve un logement ! », dit François Voisine.
Au Québec, l’industrie de la construction est soumise à une réglementation des métiers très spécifique qui n’existe pas sous cette forme ailleurs au monde.
C’est important de les expliquer aux travailleurs afin qu’ils soient conscients du projet dans lequel ils s’embarquent. Aussi, il faut garder à l’esprit que la culture de la santé et sécurité au travail (SST) peut être différente d’un pays à l’autre.
« La SST est très importante pour nous. Malgré le fait qu’ils aient réussi la formation ASP Construction, nous avons jugé bon d’insister sur le fait que la santé et la sécurité passent avant tout afin qu’ils l’intègrent à leur quotidien. »
« Au final, nous sommes très satisfaits de nos travailleurs étrangers. Ils sont débrouillards, assidus et méticuleux. Ils se sont très bien intégrés. L’un d’eux s’est même fait une blonde ! Ça a vraiment été une belle expérience », conclut M. Voisine.
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