Les garanties légales applicables aux entrepreneurs en construction

Les garanties légales applicables aux entrepreneurs en construction
Rafik M. Bentabbel, avocat
Rafik M. Bentabbel, avocat
Chroniqueur Juridique

En vertu du Code civil du Québec, les entrepreneurs doivent respecter certaines garanties légales suivant l’exécution de travaux de construction. Les entrepreneurs doivent demeurer vigilants afin de respecter les deux principales garanties légales en construction, plus particulièrement la garantie de conformité (malfaçons) et la garantie pour la perte de l’ouvrage.

Qu’est-ce qu’une garantie légale ? Il s’agit d’une protection minimale envers l’un des cocontractants qui existe en vertu d’une loi. Ces garanties sont « légales », c’est-à-dire qu’elles n’ont pas à être incluses dans le contrat. Celles que nous explorerons dans cet article protègent donc les propriétaires immobiliers et les donneurs d’ouvrage à la suite de travaux de construction.

Garantie de conformité (malfaçons)

L’entrepreneur, les sous-entrepreneurs, l’architecte, l’ingénieur et le technologue professionnel sont « tenus conjointement pendant un an, de garantir l’ouvrage contre les malfaçons existantes au moment de la réception, ou découverte dans l’année qui suit la réception.1 »

Cette garantie vise les malfaçons. Une malfaçon répondra généralement de trois critères, soit des travaux mal exécutés qui constituent des défauts mineurs, pour lesquels il y a absence de gravité. Par absence de gravité, il est entendu que ces travaux mal exécutés n’occasionnent pas d’inconvénients majeurs ou de risques pour la sécurité des occupants ou pour la solidité du bâtiment. À titre d’exemple, nous pouvons penser à un cadre de porte mal installé.

Ainsi, l’article 2120 du Code civil du Québec établit deux catégories de malfaçons, soit celles visibles à la réception du bâtiment et celles qui ne le sont pas. Pour bénéficier de la garantie légale, les malfaçons visibles à la réception du bâtiment doivent être indiquées, par exemple au formulaire préréception du bâtiment, ou dans un document d’inscription d’un professionnel lors de la réception de l’ouvrage. Dans ce cas, l’entrepreneur est présumé responsable et devra les corriger. Si le propriétaire du bâtiment accepte l’ouvrage sans réserve, il ne pourra pas réclamer la correction des malfaçons visibles à la réception du bâtiment. Il conserve ses recours pour les malfaçons non visibles.

Il est à noter que le propriétaire n’aura pas à prouver une faute quelconque de l’entrepreneur en lien avec la malfaçon dénoncée. La garantie fait en sorte que l’entrepreneur est présumé être responsable suivant une preuve de l’existence d’une malfaçon et la réclamation dans le délai imparti.

Pour les malfaçons non -visibles durant une période d’un an, le propriétaire doit uniquement prouver l’existence d’une malfaçon. Encore une fois, le propriétaire ne devra pas prouver de faute. Par contre, une fois la garantie légale d’un an expirée, le propriétaire devra, au contraire, prouver l’existence d’une faute contractuelle, d’un préjudice et d’un lien de causalité pour établir la responsabilité de l’entrepreneur.

Il est à noter qu’un entrepreneur peut exclure la garantie de conformité (malfaçons) dans un contrat avec un propriétaire immobilier, puisque l’article 2120 du Code civil du Québec ne revêt pas d’un caractère d’ordre public2. Il est toutefois recommandé à un entrepreneur de bien rédiger cette clause en consultant un avocat.

Garantie contre la perte de l’ouvrage

La garantie contre la perte de l’ouvrage est édictée en vertu de l’article 2118 du Code civil du Québec et dit : «  à moins qu’ils ne puissent se dégager de leur responsabilité, l’entrepreneur, l’architecte, l’ingénieur et le technologue professionnel qui ont, selon le cas, dirigé ou surveillé les travaux, et le sous-entrepreneur pour les travaux qu’il a exécutés, sont solidairement tenus de la perte de l’ouvrage qui survient dans les cinq ans qui suivent la fin des travaux, que la perte résulte d’un vice de conception, de construction ou de réalisation de l’ouvrage, ou, encore, d’un vice du sol. »

Ainsi, la perte qui résulte d’un vice de conception, de construction, de réalisation ou d’un vice de sol ou la menace de perte accompagnée d’une restriction importante à l’utilité du bâtiment sont assimilés à la garantie pour perte de l’ouvrage.

Cette garantie prévoit une présomption de responsabilité de l’entrepreneur, et des autres acteurs à l’article 2118 du Code civil du Québec, pour une durée de 5 ans à compter de la fin des travaux. Encore une fois, le propriétaire immobilier n’aura qu’à prouver la perte de l’ouvrage ou le risque potentiel de perte accompagné d’une restriction importante à l’utilité du bâtiment afin de bénéficier de la garantie.

Après l’expiration du délai de 5 ans, l’entrepreneur demeure toutefois responsable, mais le propriétaire immobilier devra établir la faute, le dommage et le lien de causalité de l’entrepreneur.

Finalement, l’entrepreneur pourra se dégager de sa responsabilité s’il prouve que la perte de l’ouvrage est due à une erreur du professionnel. Cependant, il lui sera difficile d’invoquer la faute de l’un de ses sous-entrepreneurs, car son rôle d’entrepreneur implique la gestion et la surveillance du chantier. Le sous-entrepreneur pourra se dégager de sa responsabilité en alléguant l’erreur d’un professionnel ou la faute de l’entrepreneur.

Il est à noter que cette garantie est d’ordre public, ce qui entraîne la nullité de toute clause visant à diminuer la durée, l’étendue et surtout d’écarter l’application de la garantie.

En résumé, l’entrepreneur doit retenir que le Code civil du Québec prévoit qu’il est présumé responsable pendant un an pour les malfaçons, et pour cinq ans relativement aux vices de construction.

1) Article 2120 du Code civil du Québec.2) Massif Inc. (Le) c. Clinique d’architecture de Québec Inc., 2009 QCCA 1778.

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